Le
Café Montmartre était un café nocturne
qui
avait la réputation d’être turbulent :
il
reflétait la diversité de la ville et avait un
certain goût pour la polémique. Il fut ouvert en
1911
par Josef Waltner, ancien propriétaire du café
chantant Olympia, et se trouvait dans la rue Rĕtĕzová,
appelée U
třech
divých, « Aux trois
sauvages ».
|
|
L’endroit
est assez spécial car pour y
accéder les clients devaient passer par un accès
ressemblant assez à un passage secret. A
l’intérieur, le plafond et les murs avaient
été décorés par
l’artiste
Vratislav Hugo Brunner : ce dernier avait
représenté
sur une fresque les sept péchés capitaux et
c’est pour cette raison que la piste de danse avait
été surnommée «
l’Enfer
». L’établissement
s’était appuyé à la fois sur
le
modèle parisien du Chat Noir en ce qui
concernait
l’ambiance et avait voulu y ajouter une aura intellectuelle,
qui se justifiait par la présence de
peintres, de littéraires et
d’étudiants. Le
modèle parisien fut vite adapté sur le mode
pragois
et fut ainsi surnommé le « Montik ».
|
Sa
clientèle
|
|
Le
Café Montmartre, par son activité nocturne,
était considéré comme le
café
d’artistes du Vieux Prague. Sa clientèle
était aussi bien germanophone que tchèque. Egon
Erwin
Kisch y venait régulièrement car il
travaillait
à la rédaction de la revue Bohemia
située
dans une rue voisine. A l’époque il travaillait
aussi pour le Prager Tagblatt et s’occupait des affaires
criminelles et de la vie nocturne. Il devient rapidement la figure
emblématique du Café Montmartre et se fait
surnommer
« Egonek », version
tchèque de son
prénom. Dans Zitate vom Montmartre,
Kisch décrit
l’ambiance qui régnait dans
l’établissement, qu’il qualifie de
« Künstlerkneipe »,
c'est-à-dire de
bistrot des artistes :
Il
était aimé ce
bistrot des artistes de la Vieille Ville pragoise […] il y
avait également sur les murs des rébus cubistes
et
des énigmes futuristes qui étaient volontiers
acceptés en guise de paiement […]
témoignage traduit de
l’allemand,
In: Jähn, Karl-Heinz, Das prager Kaffeehaus,
Berlin, Volk und Welt, 1990, p.166.
|
Kisch fait également
référence à différents
personnages
qui donnaient son ambiance si particulière au
Café
Montmartre :
Le
serveur surnommé Hamlet qui avait le nez rouge, Mademoiselle
Revoluce avec ses danses et ses danseurs devinrent des héros
de feuilletons et de nouvelles dans des revues sérieuses
[…]
témoignage traduit de
l’allemand,
In: Jähn, Karl-Heinz, Das prager Kaffeehaus,
Berlin, Volk und Welt, 1990, p.167.
|
|
Outre
l’ambiance très festive,
l’intérêt de ce café
était sa clientèle d’artistes et
d’intellectuels qui venaient se détendre et
également débattre. Les artistes qui
s’y
rencontraient étaient de différents groupes
sociolinguistiques : on comptait parmi les habitués
des
personnalités aux appartenances assez
hétéroclites comme Max Brod, Kafka, Werfel,
Jaroslav
Hašek, František Langer, Eduard Bass, Johannes
Urzidil ou encore Gustav Meyrink. Ce mélange socioculturel
et
linguistique assez étonnant figure dans un poème
de
Karl Ernst Schlesinger qui montre la mixité des genres
rencontrés là-bas, qui finalement
s’accordent très bien.
Um
zwölf Uhr, zur Montmarter-Zeit,
begegnet man
manch zarter Maid,
Herr Waltner freudig harrt der Massen,
die
niemals das Montmarter hassen,
Hochadel und gelahrter Mob,
sie singen des
Montmarter Lob.
Erstaunen selbst Nick Carter müsste,
Wüsst
er, wer im Montmarter küsste…
|
Traduction : «
A
Montmartre à minuit, une douce jeune fille jamais ne nuit.
Monsieur Waltner attend foule, qui toujours à Montmartre se
défoule. Aristos ou prolos, tout le monde est aux anges, et
de
Montmartre chante les louanges. Même Nick Carter serait
stupéfait, s’il savait qui au Montmartre
s’embrasserait »
Lemaire Gérard-Georges
et Hélène Moulonguet, Franz Kafka
à Prague,
Paris, Editions du Chêne, 2002.
Ses
particularités
Ses
pièces et ses
décorations
L’établissement
s’organisait de cette manière : la
première
salle était réservée aux gens les plus
pauvres, la deuxième aux jeunes femmes, dont la plupart
étaient des ouvrières, souvent reconnaissables
à leurs robes et bijoux bon marché, et la
troisième salle, tout au fond, était le refuge de
la
bohème tchèque et allemande. Les murs
étaient couverts de compositions artistiques, le plus
souvent
il s’agissait de tableaux cubistes et expressionnistes,
mouvements ayant atteint leur paroxysme à cette
époque. L’établissement acquit son
prestige
à partir de 1918, lorsque la République fut
proclamée et devint le repère des cubistes qui le
décorèrent avec des pièces
maîtresses à caractère souvent
parodique
dont certaines sont encore présentes aujourd’hui.
Selon cette idée le café Montmartre fut
entièrement rénové par
l’architecte Jiří Kroha en 1920.
Ses
activités
|
|
La grande
différence du
« Montik » par rapport aux autres
cafés
c’est qu’il y avait possibilité
d’y dîner, et également d’y
danser. On innovait les danses à la mode de
l’époque comme la danse apache, appelée
« šlapák ».
C’est
la
danseuse Emča Revoluce qui mit à la mode le tango
argentin à Prague en le dansant pour la première
fois
au Café Montmartre. Diverses attractions étaient
proposées, comme des concours de danses, des animations et
des
jeux. Les animations étaient proposées en langues
allemande, tchèque et même yiddisch
: cette
particularité du Café Montmartre en faisait un
lieu multiculturel car il reflétait la
diversité
culturelle de Prague. Le serveur principal était
surnommé Hamlet, comme le héros de Shakespeare,
à cause de son air tragique et son teint blafard. Il
était le maître de cérémonie
et
présentait les attractions.
Il y avait
également chaque année une sorte
d’almanach appelé Jahrbuch des
Montmartres qui
était imprimé en 3000 exemplaires par
l’imprimerie d’art Grafia avec la participation
d’auteurs du théâtre national, de
personnes
primées par l’Académie de
Bohème et
de rédacteurs d’articles politiques.
|
Ce
qu’est devenu le Café Montmartre
Après la
Première Guerre
Mondiale, le Café Montmartre accueille avec entrain les
couleurs de la République et fait du cubisme un mouvement
artistique quasi national. Le Café Montmartre existe
toujours,
en 1999 il était en travaux et fut l’objet un
projet
de rénovation. De nos jours il ne reste ouvert que
jusqu’à 23h.
|